Il semble que François Mauriac ait mis le meilleur de son art dans cette cruelle peinture d'une famille de hobereaux du Sud-Ouest dont l'héritier, un pauvre homme dégénéré, s'est mésallié en épousant une jeune fille qui n'a pu résister au désir de quitter son milieu bourgeois et de devenir baronne. De cette union mal assortie est né un fils, Guillou. Nous suivons le calvaire de cet enfant, si disgracié physiquement, si sale, si arriéré que sa mère ne l'appelle que " le Sagouin ". Nous le verrons tout près peut-être du salut parce qu'enfin quelqu'un, l'instituteur du village, le traite en être humain, mais cet homme bon et secourable renonce à s'occuper de l'enfant du " château " et la tragédie se précipite. Victime de la haine de sa mère à qui il ne rappelle que d'odieux souvenirs, victime des préjugés du village, la pauvre Guillou entraînera son faible père dans la tragédie. Cette " sombre et parfaite nouvelle " - le mot est de Robert Kemp - est un récit d'une grande intensité qui évoque un monde de haine et de souffrance avec une remarquable sobriété de moyens et un art achevé.